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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/74

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chez les anciens, avec le même nom, embrassait des objets tout différents, trahisons à l’armée, séditions à Rome, atteinte portée par un magistrat prévaricateur à la majesté du peuple romain. On condamnait les actions, les paroles restaient impunies : Auguste le premier étendit cette loi aux libelles scandaleux, indigné de l’audace de Cassius Sévérus, dont les écrits insolents avaient diffamé des hommes et des femmes d’un rang illustre. Dans la suite Tibère, consulté, par le préteur Pompéius Macer, s’il fallait recevoir les accusations de lèse-majesté, répondit que les lois devaient être exécutées. Lui aussi avait été aigri par des vers anonymes qui coururent alors sur sa cruauté, son orgueil, et son aversion pour sa mère.

LXXIII. Il ne sera pas inutile de rapporter ici quel essai fut tenté sur Falanius et Rubrius, simples chevaliers romains, de ces sortes d’accusations : on verra avec quelle adresse Tibère jeta au sein de la République les premiers germes d’un mal si funeste, et comment l’incendie, étouffé un instant, finit par éclater et par tout dévorer. L’accusateur reprochait à Falanius d’avoir reçu dans une de ces confréries que chaque maison réunissait alors pour le culte d’Auguste, un pantomime de mœurs infâmes, nommé Cassius, et d’avoir, en vendant ses jardins, livré en même temps la statue d’Auguste. Le crime imputé à Rubrius était d’avoir profané par un faux serment le nom de ce prince. Informé de ces accusations, Tibère écrivit aux consuls « que son père n’avait pas reçu l’apothéose pour la perte des citoyens ; que l’histrion Cassius avait coutume d’assister, avec d’autres hommes de sa profession, aux jeux que Livie célébrait en mémoire de son époux : qu’on pouvait, sans outrager la religion, comprendre la statue d’Auguste, comme celles des autres divinités, dans la vente des maisons et des jardins ; qu’à l’égard du parjure, il fallait le considérer comme si l’offense était faite à Jupiter, et laisser aux dieux le soin de venger les dieux. »

LXXIV. Peu de temps après, Granius Marcellus, gouverneur de Bithynie, fut accusé de lèse-majesté par son propre questeur, Cépio Crispinus, auquel se joignit Romanus Hispo. Crispinus fut l’inventeur d’une industrie que le malheur des temps et l’effronterie des hommes mirent depuis fort en vogue. Pauvre, obscur, intrigant, il s’adressa d’abord, par des voies obliques et à l’aide de mémoires secrets, à la cruauté du prince. Bientôt il attaqua les plus grands noms ; et, puissant auprès d’un seul, abhorré de tous, il donna un exemple dont les imi-