Aller au contenu

Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/742

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

produit quelques herbes d’une végétation plus riche. Mais la république paya trop cher le talent oratoire des Gracques, s’il fallut aussi endurer leurs lois ; et toutes les perfections de l’éloquence ne rachètent pas pour Cicéron le malheur de sa fin.

XLI. « La seule partie qui nous reste de l’ancien domaine des orateurs, le barreau n’annonce pas lui-même une réforme complète, ni une société où tout marche à souhait. Qui nous appelle, en effet, s’il n’est coupable ou malheureux ? quelle ville a recours à la nôtre, si son repos n’est troublé par quelque voisin ou par des querelles domestiques ? quelle province défendons-nous, si elle n’est dépouillée et opprimée ? Or mieux vaudrait n’avoir pas à se plaindre que d’obtenir vengeance. : si l’on trouvait une cité où personne ne commit de faute, l’orateur serait de trop dans ce pays d’innocence, comme le médecin parmi des gens bien portants. Cependant, si l’art de guérir est moins en usage et fait moins de progrès chez les nations où les tempéraments sont meilleurs et les santés plus robustes, on peut dire aussi que la gloire de l’orateur est moindre et plus obscure, là où règnent les bonnes mœurs et le respect d’un pouvoir tutélaire. Qu’est-il besoin d’opiner longuement dans le sénat l quand les bons esprits sont si vite d’accord ? A quoi bon tant de harangues devant le peuple, lorsque ce n’est pas une multitude d’ignorants qui délibèrent sur les intérêts publics, mais le plus sage et lui seul ? Que serviraient des voix toujours prêtes pour l’accusation, quand les délits sont si rares et si légers ? d’ennuyeuses et interminables défenses, quand la clémence du juge va au-devant de l’accusé en péril ? Croyez-moi, hommes honorables et, autant que besoin est, orateurs accomplis : si vous étiez nés, vous dans les âges précédents, ceux que nous admirons, à l’époque où nous sommes, et qu’un Dieu eût tout à coup échangé vos places dans le temps et l’existence ; non, la gloire éclatante dont brilla leur talent ne vous eût pas manqué, et eux-mêmes auraient connu la mesure qui tempère le vôtre. Mais, puisqu’on ne peut obtenir à la fois une grande renommée et un profond repos, que chacun jouisse des avantages de son siècle, sans décrier le siècle où il n’est pas. »

XLII. Maternus cessa de parler. « Il est des points, dit Messala, où j’oserais vous contredire ; il en est d’autres sur lesquels je voudrais plus de développements ; mais le jour est déjà fini. — Une autre fois, dit Maternus, il sera fait selon