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Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/84

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rents afin de partager l’attention de l’ennemi. Cariovalde, chef des Bataves, s’élança par l’endroit le plus rapide du fleuve. Les Chérusques, à l’aide d’une fuite simulée, l’attirent dans une plaine environnée de bois. Bientôt, sortis de leur embuscade, ils l’enveloppent ; et culbutent tout ce qui résiste, poursuivent tout ce qui plie. Les Bataves, s’étant formés en cercle, sont attaqués de près par les uns, harcelés de loin par les autres. Cariovalde, après avoir soutenu longtemps la violence du combat, exhorté les siens à percer en masse les bataillons ennemis, se jette lui-même à travers les rangs les plus serrés, et, accablé de traits, ayant eu son cheval tué, il tombe, et autour de lui beaucoup de nobles bataves : les autres furent sauvés par leur courage ou par la cavalerie de Stertinius et d’Émilius, qui vint les dégager.

XII. César, ayant passé le Véser, apprit d’un transfuge qu’Arminius avait choisi son champ de bataille, que d’autres nations s’étaient réunies à lui dans une forêt consacrée à Hercule, et qu’ils tenteraient sur le camp romain une attaque nocturne. On crut à ce rapport : on voyait d’ailleurs les feux de l’ennemi ; et des éclaireurs, qui s’étaient plus avancés, annoncèrent des hennissements de chevaux et le bruit d’une immense et confuse multitude. À l’approche d’une affaire décisive, César voulut sonder les dispositions des soldats, et il réfléchissait aux moyens de rendre l’épreuve fidèle. Il connaissait « le penchant des tribuns et des centurions à donner plutôt de bonnes nouvelles que des avis certains, l’esprit servile des affranchis, la faiblesse des amis, trop enclins à flatter. Convoquer une assemblée n’était pas plus sûr : là, quelques voix commencent, toutes les autres répètent. Il fallait lire dans les âmes, lorsque les soldats, seuls, sans surveillants, au milieu des repas militaires, expriment librement leurs craintes et leurs espérances. »

XIII. Au commencement de la nuit, il sort de l’augural par une porte secrète, ignorée des sentinelles, et, suivi d’un seul homme, les épaules couvertes d’une peau de bête, il parcourt les rues du camp, s’arrête auprès des tentes, et là, confident de sa renommée, il entend l’un vanter la haute naissance du général, l’autre sa bonne mine, la plupart sa patience, son affabilité, son humeur toujours la même dans les affaires et dans les plaisirs. Tous se promettent de le payer de ses bienfaits sur le champ de bataille, et d’immoler à sa vengeance et à sa gloire un ennemi parjure et infracteur des traités. En