Page:Tacite - Œuvres complètes, traduction Burnouf, 1863.djvu/459

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d’apporter de l’argent et des armes, ils y ajoutèrent gratuitement des vivres. Ce que les Éduens firent par crainte, Lyon le fit par enthousiasme. On en retira la légion italique et la cavalerie de Turin ; on y laissa la dix-huitième cohorte, dont ce lieu était le cantonnement ordinaire. Manlius Valens, commandant de la légion italique, quoique ayant bien mérité du parti, ne reçut de Vitellius aucune marque de faveur. Fabius Valens l’avait noirci par de secrètes délations, l’accusant à son insu, et, pour mieux le tromper, affectant de le louer.

33. Les Leuques habitaient le pays dont le chef-lieu est Toul.

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Il régnait entre Vienne et Lyon d’anciennes discordes que la dernière guerre34 avait rallumées. Le sang versé de part et d’autre, le nombre et l’acharnement des combats, annonçaient d’autres motifs que le seul intérêt de Galba et de Néron. Galba d’ailleurs, tirant profit de sa vengeance, avait réuni au fisc les revenus de Lyon, tandis qu’il prodiguait aux Viennois toute sorte de faveurs. De là des rivalités, des jalousies, et, comme un seul fleuve sépare les deux peuples, des haines toujours aux prises. Les Lyonnais, s’adressant à chacun des soldats, les animent de leurs passions et les excitent à exterminer les Viennois, en leur rappelant que "ceux-ci ont assiégé leur colonie, secondé les projets de Vindex, levé tout récemment des légions pour soutenir Galba." Et après avoir exposé ces motifs de haine, ils étalaient aux yeux du soldat la richesse du butin. Bientôt ce ne sont plus de secrètes exhortations : ils les conjurent publiquement "de marcher à une juste vengeance, d’anéantir ce foyer de la guerre des Gaules. Là, rien qui ne fût étranger et ennemi ; eux au contraire étaient une colonie romaine, une portion de l’armée, les compagnons de leurs prospérités et de leurs disgrâces. Ah ! si la fortune était contraire, seraient-ils donc abandonnés à la merci de voisins furieux ? "

34. La guerre de Vindex.

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Ces discours et mille autres semblables avaient tellement animé les esprits, que les lieutenants eux-mêmes et les chefs du parti ne croyaient pas possible d’apaiser la colère de l’armée. Cependant les Viennois, trop certains du péril qui les menaçait, s’avancent sur son passage, tenant en main les bandelettes et les autres symboles de la douleur suppliante ; et là, se jetant aux pieds des soldats, s’attachant à leurs armes, embrassant leurs genoux, ils viennent à bout de les fléchir.