Page:Tagore - L’Offrande lyrique.djvu/129

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leva sur moi ses yeux sombres et me dévisagea dans le crépuscule. « Je suis venue vers le fleuve, m’a-t-elle dit, pour confier ma lampe au courant, quand la dernière lueur du couchant s’éteindra. » Et je restai seul parmi les hautes herbes, contemplant cette faible flamme inutile qui s’enfuyait à la dérive.

Dans le silence de l’ombre accrue, je lui demandai : « Fille, toutes vos lampes sont allumées — dis-moi donc où tu vas avec la tienne ? Ma maison est obscure et déserte — prête-moi ta lumière. » Elle leva sur moi ses yeux sombres et resta hésitante un instant. « Je suis venue, dit-elle enfin, pour dédier ma lampe au ciel. » Et je restai là, contemplant cette flamme inutile se consumer dans le désert.