Page:Tailhade - Discours pour la paix.djvu/14

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haute sagesse du penseur se couronne de pampres, s’enguirlande et rit dans les écumes du pressoir.


Salut ! Salut ! Comme je souhaite depuis longtemps rentrer dans mon champ et retourner avec ma pioche mon petit terrain ! Salut ! Salut ! Combien nous attendrit ta venue, ô Déesse bien-aimée. Je suis consumé du regret de ton absence et je veux ardemment retourner aux champs.

Nous goûtions, grâce à toi, depuis longtemps, mille douceurs gratuites et délicieuses, tu étais pour les agriculteurs un gâteau de froment et la santé. Aussi les vignes, les jeunes figuiers, tous les plans souriaient à ton approche.


Les lendemains d’Actium réalisèrent le conte d’Aristophane. Diccepolis, Trigée et les vieillards d’Acharné purent alors goûter les fruits de leur verger, conduire la pompe d’hymen, jouer avec les belles filles et, le front ceint de lierres et d’hyacinthes, boire en l’honneur des dieux une coupe de vin pur.

Mais la Paix, idéal suprême des groupes civilisés, la Paix, dernier terme et couronnement du contrat social, ne fut pas de longue durée. Entraînant les vainqueurs à de nouvelles entreprises, le régime, la constitution même de l’Empire, la mécanique du pouvoir imposa bientôt la guerre aux héritiers d’Auguste.

Pour combattre les Gêtes, les Hyrcaniens ou les Arabes, pour demander aux Parthes les enseignes captives, pour maintenir en Orient la domination latine, déjà le consul, après neuf ans de concorde universelle, faisant crier sur ses gonds la porte redoutable, avait desserré les chaînes pesantes et poussé les verrous du temple que garde Janus aux deux fronts. Ceint de la toge gabienne, le magistrat suprême accomplit devant les yeux de Virgile ce rite formidable, déchaîna sur le monde les guerres, sources de larmes, et l’épouvante des combats.

Depuis ce jour d’horreur sacrée, les Césars ne se détournent plus de la voix homicide et les armes, de nouveau, ensanglantent l’Univers. Même les sages empereurs, les Trajan, les Marc Aurèle, ces légistes, ces philosophes couronnés qui montrèrent, au déclin du polythéisme, ce que les anciens avaient mis dans l’âme humaine de force et de beauté, ne purent contenir les fureurs de Mavors, ni refréner dans ses cavernes la Guerre aux yeux sanglants. Soumis à la nécessité de conquérir toujours pour assurer les conquêtes anciennes, bientôt de guerroyer pour défendre