Page:Tailhade - Discours pour la paix.djvu/13

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Dans les affres de la guerre, l’Humanité s’enfante à la paix. L’art témoigne de son irréductible espérance. Par tous pays, sans acception de climat, de religion ou de culture, les poètes ont dit ce mot, le premier que Beethoven fait ouïr dans le Schlosschor de la Neuvième symphonie, dans le final qui couronne son œuvre gigantesque : « Frères ! » et l’on peut dire, sans crainte, que la poésie, alors qu’elle est digne de ce nom épiphane, la poésie elle-même n’est autre chose qu’une invocation magnanime, un sursum corda vers la fraternité.

Chez les primitifs, cependant, les combats tiennent un rang d’honneur. Achille et Siegfried, Roland et Perceval emplissent de leurs gestes guerriers les chants des rhapsodes et des troubadours. Cependant, avec la civilisation, l’idée heureuse de la paix s’infiltre dans la pensée humaine au moment où l’épopée et les arts lyriques pâlissent devant la philosophie. Athènes, après les Perses et les Sept devant Thèbes, applaudit les Acharniens, puis Iréné, où le réactionnaire et pieux Aristophane dénonce le péril militaire en des termes dont la violence ferait aujourd’hui fermer son théâtre et mènerait l’auteur à Fresnes-les-Rungis. Lysistrata, si impudique dans les mots, renferme une haute leçon de morale. C’est la révolte du foyer contre la caserne, les droits de l’amour attestés devant la science de la mort.


Aristophane est le plus grand poète de la Grèce, le plus grand peut-être du monde entier.

Quelle fraîcheur, quelle saine et forte joie anime ses tableaux rustiques ! La Paix est revenue ; elle enchante vignerons et laboureurs qu’elle comble de bienfaits.

Quoi qu’en ait dit Musset :

« Il avait peu de grâce et de goût nullement »,


l’esprit lyrique d’Aristophane — c’est Platon qui l’atteste ― fut le sanctuaire des Grâces et le temple du Saint Clairvoyant, son regard dans le dialectique de Socrate et la chicane des Sophistes, discerna une menace de ruine, la fin prochaine de la cité, l’invasion permanente des dieux, des mœurs et des goûts de l’Orient qui réduisirent, quelques siècles plus tard, le monde occidental à la raison des esclaves. Mais la