Page:Tailhade - Quelques fantômes de jadis (1920).djvu/15

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d’opérette — il s’appelait au vrai Pappadiamantopoulos — et d’un physique de café-concert, avec un accent à débiter des cacaouettes entre la rue Saint-Ferréol et le port de la Joliette, le sourcil gauche incrusté d’un monocle, un tic lui faisait involontairement relever l’épaule droite, tandis qu’il humectait de salive son pouce et son index, dont il faisait aussitôt profiter sa moustache, à défaut d’autre essence. Il portait des souliers pointus, du linge sale et des gants jaunes. Il cherchait sa voie ; il se montrait condescendant aux inspirations d’Anatole Baju, ancien meunier devenu instituteur par la grâce d’un homme politique, et symboliste par les ténèbres inhérentes à son entendement. Plus tard, MM. Charles Maurras et Pierre Lasserre ouvrirent l’esprit de Moréas, à peu près comme une écaillère ouvre sa marchandise, lui révélèrent l’art néo-classique et la tragédie en cinq points. Même ils promirent à ce doux enfant des Muses qu’il prendrait la perruque de Jean Racine à la cour de Philippe VIII, ce qui serait — n’en doutez aucunement — arrivé si Moréas n’avait eu l’idée