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la vive et féroce expression des figures. La Discorde et la Rage y triomphent au milieu des maux qu’elles font : la soif dévorante du sang embrase tous les combattans ; et jamais, sur un théâtre de carnage, les blessures et la mort ne furent présentées plus terribles et plus affreuses.

Salvator Rosa a de la réputation comme poëte ; on sent bien que sa muse a dû s’abreuver d’amertume et de fiel ; aussi ne connoît-on de lui que des satires ; elles sont très-mordantes, et estimées encore en Italie.

La plupart des figures qu’il a placées dans ses tableaux, et principalement dans ses paysages, sont des guerriers ajustés d’une manière singulière et nouvelle, d’un costume qui tient de plusieurs, et qui ne ressemble à aucun ; ils nous offrent l’image des sbires, des contrebandiers et des voleurs. Il a gravé lui-même à l’eau-forte, avec beaucoup d’esprit, une suite de ces bizarres héros.

Ses ouvrages plaisent surtout par une teinte de merveilleux noir ; les hommes aiment le merveilleux, de quelque couleur qu’il soit ; ils courent ça et là, ils s’agitent, se tourmentent pour fuir l’ennui : ils se précipitent et vont étouffer pour voir une tragédie qui les dé-