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bleaux séduisans se fût appelé Zuccaro ou Pinturrichio, avec la meilleure volonté du monde, la poésie n’auroit guère pu en parler ; mais la fraîcheur de l’Albane, les pinceaux de l’Albane, sont des hémistiches harmonieux, dont les poëtes se servent avec plaisir ; et ils ont fait son éloge, moins, peut-être, parce qu’il étoit mérité, que parce qu’il étoit aisé à faire.

Les artistes et les connoisseurs éclairés ont cependant aussi beaucoup d’estime pour le rare talent de l’Albane : l’amabilité, la douceur, un certain charme qui lui étoit bien naturel, et ne ressemblant qu’à lui-même, sont les caractères qui le distinguent ; le gracieux étoit son accent. Il n’a point les grâces nobles, voluptueuses, célestes du Corrège et de Raphaël ; les siennes sont plus ordinaires, et il en a beaucoup ; il n’attendrit point, n’élève point l’âme, n’excite jamais un brûlant enthousiasme, mais il plaît toujours, et il charme souvent.

Instruit à Rome dans l’École d’Annibal Carrache, il y prit des formes grandes, auxquelles il donna sa physionomie ; il en ôta la fierté et l’énergie, mais il y ajouta les grâces. Avec un naturel heureux, au moral comme au phy-