Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/211

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par quelque pression énorme. Ils forment des assises et semblent des étages de tours à demi ruinées : quelques-uns sont penchés ; on songe aux écroulements des palais de marbre bâtis par les Césars romains ou les rois de Babylone. — Les rayures, les cassures innombrables, les formes infiniment diversifiées des fentes arrêtent la lumière et peuplent d’arabesques fantastiques la nudité de leurs grands murs blancs. Les montagnes elles-mêmes paraissent cassées à grands coups de hache, et leurs arêtes, leurs promontoires, leurs dentelures hérissées au hasard, les saillies de leur échine et de leurs crêtes posent chacune une ombre sur l’uniformité de la teinte lumineuse. Tout cela vit, la chaîne entière est peuplée de formes et de couleurs. — À l’orient, au fond de l’horizon, les dernières croupes enveloppées d’air et noyées dans une brume imperceptible, se confondent avec le ciel ; il faut un instant d’attention pour distinguer leurs contours qui semblent s’évanouir comme une esquisse trop délicate. Tout cela s’endort à mesure que le jour baisse dans une teinte rosée de violet pâle.