Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/212

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Avant-hier au soleil couchant, hier de la caserne, la mer semblait un miroir poli entre deux bordures d’ébène ; la lumière rejaillissait d’un seul élan comme d’une plaque unie d’argent ou d’acier. Les vaisseaux lointains, immobiles, montraient leurs coques et semblaient pris dans une glace. Au couchant, tout l’horizon avait l’éclat et le rayonnement d’une topaze, d’une pierre précieuse rouge et orange. Au-dessous de ce jaune lumineux, les yeux rencontraient le bleu sombre, et la réunion des deux couleurs formait comme un bel accord dans un concert. — Tout était magnificence et félicité. L’air arrivait caressant, avec une fraîcheur et une douceur exquises, et les promeneurs s’oubliaient à regarder l’ondoiement infini, l’agitation du peuple des vagues, l’arrivée et l’écume des grandes lames qui venaient refluer avec des teintes pourprées et des rejaillissements argentés sur les rochers polis du bord.

Aujourd’hui, dans le parc de M. Talabot, un quart d’heure charmant, l’esprit rempli par les Lotos-Eaters de Tennyson. Dans une vallée de pins, au plus fort de la senteur aromatique, le