Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/255

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moucherons, guêpes et taons qui gâtent cette paix et ce confortable.

J’ai été passer la journée à Lille : sauf le musée, rien de bien notable ; c’est une ville flamande comme Douai, mais moins reposée et d’un type moins pur. Tout à l’entour, comme autour de Douai, s’étale en cercle indéfini la plaine interminable, le grand potager plat, vaguement tacheté d’arbres, jaunâtre et diapré de javelles dressées, de champs de pavots en fleur, de betteraves à lourdes feuilles, de toits rouges, aigus et bas. Tout cela par myriades, grassement et pesamment couvé par un ciel bas, où dorment les nuages paresseux, où la lumière tamisée se distille à travers la brume floconneuse ; des duvets blancs vont s’amincissant et s’évaporant entre des traînées grises ou noires, qui, çà et là, coulent en ondées et en averses ; incessamment la fumée du sol monte, s’éparpille ou s’amasse pour retomber fécondante sur ce sol, qui ne se lasse pas de verdir et de pulluler. Couleurs noyées et changeantes, brume