Page:Taine - Carnets de voyage, 1897.djvu/72

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fruits abondent ; plus de sarrasin, comme en Bretagne. Ce qui achève la douceur et la gaieté du pays, c’est le ciel ; on commence à prévoir le ciel du Midi, velouté, d’un bleu rayonnant tout imprégné de lumière, semblable au plus précieux cristal. Cette belle couleur riante et caressante donne une apparence de bonheur aux arbres, aux longs espaces de champs fructueux ; le paysage entier a l’air d’un jardin, non pas exact, divisé, savamment utilisé comme l’Angleterre, mais cultivé un peu à l’aventure, avec des négligences, sans que cet heureux laisser-aller de l’homme diminue la prodigalité du sol. Quelques châteaux blancs, à jolies tourelles, bien posés comme des pigeons dans la verdure, élèvent leurs toits bleus, pointus, et des hauteurs regardent la plaine. On pense à l’heureuse vie des Valois, à Diane de Poitiers, à François Ier, à Rabelais, aux mœurs insouciantes et galantes, aux chasses, aux promenades en bateau sur les rivières éclatantes et nonchalantes. Que c’est bien ici l’endroit pour les beautés de Jean Goujon, de Germain Pilon, du Primatice, de Rosso, pour les fines têtes voluptueuses, les