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Page:Taine - De l’intelligence, t. 1, 1888.djvu/18

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8 PRÉFACE

visible, ce moi lui-même n’est qu’un chef de file, un centre supérieur au-dessous duquel s’échelonnent, dans les segments de la moelle et dans les ganglions nerveux, quantité d’autres centres subordonnés, théâ- tres de sensations et d’impulsions analogues mais rudimentaires, en sorte que l’homme total se présente comme une hiérarchie de centres de sensation et d’impulsion, ayant chacun leur initiative, leurs fonc- tions et leur domaine, sous le gouvernement d’un centre plus parfait qui reçoit d’eux les nouvelles locales, leur envoie les injonctions générales, et ne diffère d’eux que par son organisation plus complexe, son action plus étendue et son rang plus élevé. Si maintenant, après l’esprit, nous considérons la nature, nous dépassons aussi, dès le premier pas, le point de vue de l’observation ordinaire. De même que la substance spirituelle est un fantôme créé par la conscience, de même la substance matérielle est un fantôme créé par les sens. Les corps n’étant que des mobiles moteurs, il n’y a rien de réel en eux que leurs mouvements ; à cela se ramènent tous les événe- ments physiques. Mais le mouvement, considéré direc- tement en lui-même et non plus indirectement par la perception extérieure, se ramène à une suite continue de sensations infiniment simplifiées et réduites. Ainsi les événements physiques ne sont qu’une forme rudi- mentaire des événements moraux, et nous arrivons à concevoir le corps sur le modèle de l’esprit. L’un et l’autre sont un courant d’événements homogènes que la conscience appelle des sensations, que les sens