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SAINT-SIMON

même, avec l’épée, comme sous Henri IV. Un jour, ayant vu une phrase injurieuse dans les mémoires

de La Rochefoucauld, « il se jeta sur une plume, et mit à la marge : L’auteur en a menti. » Il alla chez le libraire, et fit de même aux autres exemplaires ; les MM. de La Rochefoucauld crièrent : il parla plus haut qu’eux, et ils burent l’affront. — Aussi roide en— 1 vers la cour, il était resté fidèle pendant la Fronde, par orgueil, repoussant les récompenses, prédisant que, le danger passé, on lui refuserait tout, chassant les envoyés d’Espagne avec menace de les jeter dans, ses fossés s’ils revenaient, dédaigneusement superbe contre le temps présent, habitant de souvenir sous Louis XIII, « le roi des nobles, » que jusqu’à la fin il appelait le roi son maître. Saint-Simon fut élevé dans ces enseignements ; ses premières opinions furent contraires aux opinions utiles et courantes ; le mécontentement était un de ses héritages ; il sortit de chez lui frondeur.

A la cour il l’est encore : il aime le temps passé, qui paraissait gothique ; il loue Louis XIII, en qui on ne voyait d’autre mérite que d’avoir mis Louis XIV au monde. Dans ce peuple d’admirateurs il est déplacé ; il n’a point l’enthousiasme profond ni les genoux pliants. Mme de Maintenon le juge « glorieux. » Il ne sait pas supporter une injustice, et donne sa démission faute d’avancement. Il a le parier haut et libre ; « il lui échappe d’abondance de cœur des raisonnements et des blâmes. » Très-pointilleux et récalcitrant, « c’est chose étrange, dit le roi, que M. de Saint-Simon ne songe qu’à étudier les rangs et à faire des procès à tout le monde. » Il a pris de son