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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME

À côté de cette milice, toute l’armée proprement dite, toutes les troupes « réglées » étaient, sous l’ancien régime, recrutées par rengagement libre, non seulement les vingt-cinq régiments étrangers, Suisses, Irlandais, Allemands et Liégeois, mais encore les cent quarante-cinq régiments français, 177 000 hommes[1]. À la vérité, l’engagement n’était pas assez libre ; souvent, par les manœuvres du racoleur, il était entaché de séduction et de surprise, parfois de fraude ou de violence ; mais, sous les réclamations de la philanthropie régnante, ces abus avaient diminué ; l’ordonnance de 1788 venait d’en supprimer les plus graves, et, même avec des abus, l’institution avait deux grands avantages. — En premier lieu, l’armée était un exutoire ; par elle, le corps social se purgeait de ses humeurs malignes, de son mauvais sang trop chaud ou vicié. À cette date, quoique le métier de soldat fût l’un des plus bas et des plus mal famés, une carrière barrée, sans avancement et presque sans issue, on avait une recrue moyennant 100 francs de prime et un pourboire ; ajoutez-y deux ou trois jours et nuits de ripaille au cabaret : cela indique l’espèce et la qualité des recrues ; de fait, on n’en trouvait guère que parmi les hommes plus ou moins impropres à la vie civile et

  1. Dampmartin, Événements qui se sont passés sous mes yeux pendant la Révolution française, t. II. (État de l’armée française le 1er  janvier 1789.) — Total sur pied de paix, 177 890 hommes. — Ceci est l’effectif nominal ; l’effectif réel des hommes présents au corps était de 154 000 hommes : en mars 1791, il était tombé au chiffre de 115 000, par la multitude des désertions et la rareté des enrôlements. Yung, Dubois de Crancé et la Révolution, I, 158. Discours de Dubois de Crancé.)