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L’ÉCOLE


place d’apparat, semblable à celle qu’il assigne aux dignitaires ecclésiastiques dans les cérémonies publiques et sur le tableau des préséances. Il ne se préoccupe pas d’aviver ou même de préserver la croyance intime : loin de là : « On doit faire en sorte, dit-il[1], que les jeunes gens ne soient ni trop bigots, ni trop incrédules : ils doivent être appropriés à l’état de la nation et de la société. » Tout ce qu’on exigera d’eux, ce sont des respects extérieurs, l’assistance physique aux offices du culte, une courte prière latine expédiée et marmottée au commencement et à la fin de chaque classe[2], bref des pratiques analogues aux coups de chapeau, aux actes publics de déférence, aux attitudes officielles que le gouvernement, auteur du Concordat, impose à son personnel militaire et civil. Eux aussi, les lycéens et collégiens, ils en seront, ils en sont déjà, et Napoléon prépare ainsi, dans son personnel enfantin, son personnel adulte.

  1. Pelet de la Lozère, 168 (séance du 20 mars 1806).
  2. Hermann Niemeyer, Beobachtungen auf einer Deportations-Reise nach Frankreich im Jahr 1807 (Halle, 1824), II, 353. — Fabry, Mémoires pour servir à l’histoire de l’instruction publique, III, 120 (Documents et témoignages d’élèves montrant que la religion n’est pratiquée dans les lycées que comme un cérémonial). — Riancey, Histoire de l’instruction publique, II, 378 (Rapports de neufs aumôniers des collèges royaux en 1830 prouvant que ce même esprit a subsisté pendant toute la Restauration). « Un enfant, envoyé dans une de ces maisons composée de 400 élèves pour y passer les huit années scolaires, n’a que huit ou dix chances favorables à la conservation de sa foi ; tout le reste est contre lui, c’est-à-dire que, sur quatre cents chances, il y en a trois cent quatre-vingt-dix qui le menacent d’être un homme sans religion. »