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L’ÉCOLE


façon, en Angleterre et aux États-Unis, le jeune homme parvient vite à tirer de lui-même tout ce qu’il contient. Dès vingt-cinq ans, et bien plus tôt, si la substance et le fonds ne lui manquent pas, il est, non seulement un exécutant utile, mais encore un entrepreneur spontané, non seulement un rouage, mais de plus un moteur. — En France, où le procédé inverse a prévalu et, à chaque génération, devient plus chinois, le total des forces perdues est énorme.

De quinze à seize ans jusqu’à vingt-cinq ou vingt-six, s’étend la période la plus féconde de la vie humaine ; il y a là sept ou huit années de sève montante et de production continue, bourgeons, fleurs et fruits ; c’est alors que le jeune homme ébauche toutes ses idées originales. Mais, pour qu’elles naissent en lui, pour qu’elles poussent, pour qu’elles soient viables, il leur faut, dès ce moment, l’influence excitante ou répressive de l’air ambiant dans lequel elles vivront plus tard ; elles ne se forment que là, dans leur milieu naturel et normal ; ce qui fait végéter leur germe, ce sont les innombrables impressions sensibles que le jeune homme reçoit tous les jours à l’atelier, dans la mine, au tribunal, à l’étude, sur le chantier, à l’hôpital, au spectacle des outils, des matériaux et des opérations, en présence des clients, des ouvriers, du travail, de l’ouvrage bien ou mal fait, dispendieux ou lucratif : voilà les petites perceptions particulières des yeux, de l’oreille, des mains et même de l’odorat qui, involontairement recueillies et sourdement élaborées, s’organisent en lui pour lui suggérer