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LA RÉVOLUTION


Courtivron reçoit les coups de fusil de la bande qui vient de piller l’abbaye de Lure ; on crie sur son passage : « Massacrons la noblesse ! » Cependant le château de Vauvillers, où sa femme malade a été portée, est dévasté de fond en comble ; on la cherche partout ; elle n’échappe qu’en se cachant dans un grenier à foin. Tous deux veulent fuir en Bourgogne, mais on leur mande qu’à Dijon « la noblesse est bloquée par le peuple », et que, dans la campagne, on menace de mettre le feu chez eux. — Nul refuge, ni chez soi, ni chez autrui, ni sur les routes : dans les petites villes et les bourgs, on retient les fugitifs. En Dauphiné[1], « Mme l’abbesse de Saint-Pierre de Lyon, une autre religieuse, M. de Perrotin de Bellegarde, M. Le marquis de la Tour-du-Pin et le chevalier de Moidieu, ont été arrêtés à Champier par le peuple armé, conduits à la Côte-Saint-André, enfermés à l’hôtel de ville, d’où ils réclament des secours à Grenoble », et, pour les délivrer, le comité de Grenoble est obligé d’envoyer des commissaires. Leur seul asile est dans les grandes villes où subsiste quelque semblant d’ordre précaire, et dans les rangs des gardes urbaines, qui, de Lyon, de Dijon, de Grenoble, marchent pour contenir l’inondation. — Dans toute la campagne, les châteaux isolés sont engloutis par la marée populaire, et, comme les droits féodaux sont souvent en des mains roturières, elle monte par degrés au delà de son premier déborde-

  1. Archives nationales, D, XXIX, I. (Lettre de la commission des États du Dauphiné, 31 juillet.)