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LA RÉVOLUTION


nistrent sous la main de leurs électeurs ; on a vu de quelle manière et à quelles conditions, par quelles complaisances et quelles complicités, avec quelle déférence pour l’opinion bruyante, avec quelle docilité en face de l’émeute, avec quel déluge de phrases sentimentales et de lieux communs abstraits. Députés à Paris par le choix ou par la tolérance des clubs, ils emportent avec eux leur politique et leur rhétorique : cela fait un assemblage d’esprits bornés, faussés, précipités, emphatiques et faibles ; à chaque séance, vingt moulins à paroles tournent à vide, et tout de suite le premier des pouvoirs publics devient une fabrique de sottises, une école d’extravagances et un théâtre de déclamations.

II

Se peut-il que des hommes sérieux aient écouté jusqu’au bout des fadaises aussi saugrenues ? — « Je suis laboureur, dit un député[1] ; j’ose maintenant vanter l’antique noblesse de ma charrue. Quelques bœufs ont

  1. Moniteur, X, 223, séance du 26 octobre 1791. Discours de M. François Duval. — Dès la première séance, l’emphase était à l’ordre du jour. Le 1er  octobre 1791, les douze vieillards de l’Assemblée vont en procession chercher l’acte constitutionnel. « M. Camus, archiviste, l’air recueilli, les yeux baissés, arrive à pas lents, » portant des deux mains le livre sacré qu’il tient appuyé sur sa poitrine, et tous les députés sont debout, la tête nue. « Peuple français, dit un orateur, citoyens de Paris, Français généreux, et vous, citoyennes vertueuses et savantes qui apportez dans le sanctuaire des lois la plus douce influence, voici le gage de paix que la législature vous présente. » — Il semble qu’on assiste à un final d’opéra.