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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


faite impraticable, les Jacobins se sont débarrassés d’avance des votes sensés, et ces votes sont par millions ; de l’autre côté, au moyen de la loi qu’ils ont faite intolérante, ils se sont débarrassés d’avance des votes catholiques, et ces votes sont par centaines de mille. Grâce à cette exclusion double, ils ne trouvent plus devant eux, quand ils entrent dans la lice électorale, que le moindre nombre des électeurs.

II

Il reste à opérer contre ceux-ci, et un premier expédient consiste à les priver de candidats. À cela, l’obligation du serments a déjà pourvu en partie : dans la Lozère, plutôt que de le prêter, tous les fonctionnaires en place ont donné leur démission[1] ; voilà des gens qui, aux élections prochaines, ne seront pas candidats, car on ne brigue pas un poste dans lequel on n’a pu rester, et, en général, pour supprimer les candidatures d’un parti, il n’y a qu’à le dégoûter des magistratures. — Sur ce principe, les Jacobins ont travaillé efficacement par les innombrables émeutes qu’ils ont excitées ou conduites contre le roi, les officiers et les commis, contre les nobles et les ecclésiastiques, contre les marchands de blé et les propriétaires, contre les pouvoirs

    sur les opinions, plus de la moitié des Français sont forcés de déserter ces comices abandonnés aux hommes qui ont le moins d’intérêt à l’ordre public, à la stabilité des lois, le moins de propriétés, le moins de part aux contributions publiques. »

  1. Voyez tome III, 282 et suivantes.