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L’ANCIEN RÉGIME


à la fois un centre aussi vivant et des extrémités aussi mortes. Entre Paris et Versailles, la double file de voitures qui vont et reviennent[1] se prolonge pendant cinq lieues et sans interruption depuis le matin jusqu’au soir. Le contraste est grand sur les autres chemins. « Sortis de Paris par la route d’Orléans, dit Arthur Young, pendant dix milles nous n’avons pas rencontré une diligence, rien que des messageries et des chaises de poste en petit nombre, pas la dixième partie de ce que nous aurions trouvé près de Londres en une heure. Sur la grande route, près de Narbonne, pendant trente-six milles, dit-il, je n’ai croisé qu’un cabriolet, une demi-douzaine de charrettes et quelques bonnes femmes menant leur âne ». Ailleurs, près de Saint-Girons, il note qu’en deux cent cinquante milles il a rencontré en tout « deux cabriolets et trois misérables choses semblables à notre vieille chaise de poste anglaise à un cheval, pas un gentilhomme ». Dans toute cette contrée, auberges exécrables ; impossible d’y louer une voiture, tandis qu’en Angleterre, même dans une ville écartée de deux mille à quinze cents âmes, on trouve des hôtels confortables et tous les moyens de transport ; c’est la preuve qu’en France « la circulation est nulle ». Il n’y a de civilisation et de bien-être que dans les très grandes villes. « À Nantes, superbe salle de spectacle, deux fois plus grande que celle de Drury-Lane et cinq fois plus magnifique. Bon Dieu, m’écriai-je intérieurement, est-ce à un tel spectacle

  1. Je tiens ce détail de vieillards qui l’ont vu avant 1789.