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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/104

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L’ANCIEN RÉGIME


gneurs, philanthropes pratiques et guidés par l’exemple des nobles anglais, le duc d’Harcourt qui arrange les procès de ses paysans, le duc de La Rochefoucauld-Liancourt qui a fondé dans ses terres une ferme modèle et une école des arts et métiers pour les enfants des militaires pauvres, le comte de Brienne dont trente villages viendront demander la liberté à la Convention[1]. Les autres, pour la plupart libéraux, se contentent de raisonner sur le bien public et sur l’économie politique. En effet, la différence des manières, la séparation des intérêts, la distance des idées sont si grandes, qu’entre les plus exempts de morgue et leurs tenanciers directs, les contacts sont rares et lointains. Chez le duc de La Rochefoucauld-Liancourt lui-même, Arthur Young ayant besoin de renseignements, on lui envoie le régisseur. « Chez un noble de mon pays, on eût invité à dîner trois ou quatre fermiers qui se seraient assis à table à côté des dames du premier rang. Je n’exagère pas en disant que cela m’est arrivé cent fois dans les premières maisons du Royaume-Uni. C’est cependant une chose qu’on ne verrait pas en France de Calais à Bayonne, excepté, par hasard, chez quelque grand seigneur

  1. Loménie, les Mirabeau, 134. (Lettre du bailli du 25 septembre 1760) : « Je suis à Harcourt où j’admire la bonne et honnête grandeur du maître. Tu ne saurais penser le plaisir que j’ai eu les jours de fête de voir le peuple entier partout dans le château, et de bons petits paysans et petites paysannes venir regarder le bon patron sous le nez et presque lui tirer sa montre pour voir les breloques, tout cela avec l’air de fraternité sans familiarité. Le bon duc ne laisse point plaider ses vassaux, il les écoute et les juge en les accommodant avec une patience admirable. » — Lacretelle, Dix ans d’épreuve, 58.