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L’ANCIEN RÉGIME


refusent même à l’entretien et aux réparations les plus indispensables ? » Une preuve sûre que leur absence est la cause du mal, c’est la différence visible du domaine affermé par l’abbé commendataire absent et du domaine surveillé par les religieux présents. « Un voyageur instruit les reconnaît » tout d’abord à l’état des cultures. « S’il rencontre des champs bien environnés de fossés, plantés avec soin et couverts de riches moissons, ces champs, dit-il, appartiennent à des religieux. Presque toujours à côté de ces plaines fertiles, une terre mal entretenue et presque épuisée présente un contraste affligeant ; cependant la nature du sol est égale, ce sont deux parties du même domaine ; il voit que cette dernière est la portion de l’abbé commendataire. » — « La manse abbatiale, disait Lefranc de Pompignan, a souvent l’air du patrimoine d’un dissipateur ; la manse monacale est comme un patrimoine où l’on n’omet rien pour améliorer », en sorte que « les deux tiers » dont l’abbé jouit lui rapportent moins que le tiers réservé à ses moines. — Ruine ou détresse de l’agriculture, voilà encore un des effets de l’absence ; il y avait peut-être un tiers du sol en France qui, déserté comme l’Irlande, était aussi mal soigné, aussi peu productif que l’Irlande aux mains des riches absentees, évêques, doyens et nobles anglais.

Ne faisant rien pour la terre, comment feraient-ils quelque chose pour les hommes ? — Sans doute, de temps en temps, surtout quand les fermages ne rentrent pas ; le régisseur écrit, allègue la misère du fermier.