Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
94
L’ANCIEN RÉGIME


paroisse. Député élu à la chambre basse, membre héréditaire de la chambre haute, il tient les cordons de la bourse publique et empêche le prince d’y puiser trop avant. Tel est le régime dans les pays où les seigneurs féodaux, au lieu de laisser le roi s’allier contre eux avec les communes, se sont alliés avec les communes contre le roi. Pour mieux défendre leurs propres intérêts, ils ont défendu les intérêts des autres, et, après avoir été les représentants de leurs pareils, ils sont devenus les représentants de la nation. — Rien de semblable en France. Les États généraux sont tombés en désuétude, et le roi peut avec vérité se dire l’unique représentant du pays. Pareils à des arbres étouffés par l’ombre d’un chêne gigantesque, les autres pouvoirs publics ont péri de sa croissance ; ce qu’il en reste encombre aujourd’hui la place et forme autour de lui un cercle de broussailles rampantes ou de troncs desséchés. L’un d’eux, le Parlement, simple rejeton sorti du grand chêne, a cru parfois posséder une racine propre ; mais sa sève était trop visiblement empruntée pour qu’il pût se tenir debout par lui-même et fournir au peuple un abri indépendant. D’autres corps, survivants quoique rabougris, l’Assemblée du clergé et les États provinciaux, protègent encore un ordre et quatre ou cinq provinces ; mais cette protection ne couvre que l’ordre ou la province, et, si elle défend un intérêt partiel, c’est d’ordinaire contre un intérêt général.