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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


d’où était le roi, et sur pied de demander un congé, non pour découcher, car en plus de quarante ans il n’a jamais couché vingt fois hors de Paris, mais pour aller dîner hors de la cour et ne pas être de la promenade. » — Si plus tard, sous des maîtres moins exigeants et dans le relâchement général du dix-huitième siècle, cette discipline se détend, l’institution subsiste[1] ; à défaut de l’obéissance, la tradition, l’intérêt et l’amour-propre suffiraient pour peupler la cour. Approcher du roi, être domestique dans sa maison, huissier, porte-manteau, valet de chambre, est un privilège qu’on achète, même en 1789, trente, quarante et cent mille livres ; à plus forte raison sera-ce un privilège, et le plus honorable, le plus utile, le plus envié de tous, de faire partie de sa société — D’abord, c’est une preuve de race. Un homme, pour suivre le roi à la chasse, une femme pour être présentée à la reine, doit établir au préalable, devant le généalogiste et par pièces authentiques, que sa noblesse remonte à l’an 1400. — Ensuite c’est une certitude de fortune ; il n’y a que ce salon pour être à portée des grâces ; aussi bien, jusqu’en 1789, les grandes familles ne bougent pas de Versailles, et, nuit et jour, sont à l’affût. Le valet de chambre du maréchal de Noailles lui disait un soir en fermant ses

  1. M. de V., qui avait la promesse d’une lieutenance du roi ou d’un commandement, la cède à l’un des protégés de Mme de Pompadour, et obtient en échange le rôle d’exempt dans Tartuffe que des seigneurs de la cour jouaient dans les petits cabinets devant le roi. (Mme de Hausset, 168) « M. de V. remercia Madame comme si elle l’eût fait duc. »