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L’ANCIEN RÉGIME


qu’un jour de sa dernière disposition concernant le vingtième, tandis qu’on parle encore en ce moment de la fête qu’il a donnée, et qu’à Paris comme à Versailles on en détaille tous les agréments, et que l’on dit tout haut : Ce sont des gens admirables que M. et Mme Necker, ils sont délicieux pour la société[1] ». La bonne compagnie qui s’amuse impose aux gens en place l’obligation de l’amuser. Elle dirait presque d’un ton demi-sérieux, demi-badin, avec Voltaire, « que les dieux n’ont établi les rois que pour donner tous les jours des fêtes, pourvu quelles soient diversifiées ; que la vie est trop courte pour en user autrement ; que les procès, les intrigues, la guerre, les disputes des prêtres, qui consument la vie humaine, sont des choses absurdes et horribles, que l’homme n’est né que pour la joie », et que, parmi les choses nécessaires, il faut mettre au premier rang « le superflu ».

À ce compte, on peut prévoir qu’ils seront aussi insouciants dans leurs affaires privées que dans les affaires publiques. Ménage, administration des biens, économie domestique, à leurs yeux tout cela est bourgeois, et de plus insipide, affaire d’intendant et de maître d’hôtel. À quoi bon des gens, si l’on doit prendre ce soin ? La vie n’est plus une fête dès qu’on est obligé d’en surveiller les apprêts. Il faut que la commodité, le luxe, l’agrément coulent de source et viennent d’eux-mêmes se placer à portée des lèvres, il faut que, natu-

  1. Correspondance secrète, par Métra, Imbert, etc. V, 277 (17 novembre 1777). — Voltaire, la Princesse de Babylone.