Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


ne soit pas ici pour nous réduire de moitié ! » Et l’on rit, l’on applaudit ; le lendemain tout Paris, en répétant la phrase, se console de la ruine publique. — Alliances, batailles, impôts, traités, ministères, coups d’État, on a toute l’histoire du siècle en épigrammes et en chansons Un jour[1], dans une assemblée de jeunes gens de la cour, comme on répétait le mot de la journée, l’un d’eux, ravi de plaisir, dit en levant les mains : « Comment ne serait-on pas charmé des grands événements, des bouleversements même qui font dire de si jolis mots ! » Là-dessus, on repasse les mots, les chansons faites sur tous les désastres de la France. La chanson sur la bataille d’Hochstædt fut trouvée mauvaise, et quelques-uns dirent à ce sujet : « Je suis fâché de la perte de cette bataille ; la chanson ne vaut rien[2] ». — Même en défalquant de ce trait ce que l’entraînement de la verve et la licence du paradoxe y ont mis d’énorme, il reste la marque d’un siècle où l’État n’était presque rien et la société presque tout. Sur ce principe, on peut deviner le genre de talent que le monde demande aux ministres. M. Necker, ayant donné un souper splendide avec opéra sérieux et opéra bouffon, « il se trouve que cette fête lui a valu plus de crédit, de faveur et de stabilité que toutes ses opérations financières… On n’a parlé

  1. Chamfort, 26, 55. — Bachaumont, I, 136 (7 sept. 1762). Un mois après l’arrêt du Parlement contre les jésuites, paraissent de petits jésuites en cire ayant pour base un escargot. « À l’aide d’une ficelle on fait sortir et rentrer le jésuite dans la coquille. C’est une fureur, il n’y a pas de maison qui n’ait son jésuite. »
  2. En revanche, la chanson sur la bataille de Rosbach est charmante.