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L’ANCIEN RÉGIME


masqué ; au lieu de compter les condamnations qu’il a obtenues, un magistrat donne un beau souper. À Paris, dans l’allée de gauche du Palais-Royal, toutes les après-midi, « la bonne compagnie en fort grande parure se réunit sous les grands arbres » ; le soir, « au sortir de l’Opéra, à huit heures et demie, on y revient, et l’on y reste souvent jusqu’à deux heures du matin ». On y fait de la musique en plein air, au clair de lune. Garat chante et le chevalier de Saint-Georges joue du violon[1]. À Morfontaine, « le comte de Vaudreuil, Lebrun le poète, le chevalier de Coigny, si aimable et si gai, Brongniart, Robert, font toutes les nuits des charades et se réveillent pour se les dire ». À Maupertuis chez M. de Montesquiou, à Saint-Ouen chez le duc de Nivernais, à Saint-Germain chez le maréchal de Noailles, à Gennevilliers chez le comte de Vaudreuil, au Raincy chez le duc d’Orléans, à Chantilly chez le prince de Condé, ce ne sont que fêtes. On ne peut lire une biographie, un document de province, un inventaire du temps, sans entendre tinter les grelots de l’universel carnaval. À Monchoix[2], chez le comte de Bédée, oncle de Chateaubriand, « on faisait de la musique, on dansait, on chassait, on était en liesse du matin jusqu’au soir, on mangeait son fonds et son revenu ». À Aix et Marseille, dans tout le beau monde, chez le comte de Valbelle, je ne vois que concerts, divertissements, bals, galanteries,

  1. Mme Vigée-Lebrun, I, 15, 154.
  2. Chateaubriand, I, 34. — Mémoires de Mirabeau, passim. — George Sand. I. 59. 76.