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LES MŒURS ET LES CARACTÈRES


quer un énorme qui contient tous les meubles imaginables, depuis une bassinoire jusqu’à une écuelle d’argent ; outre cela, d’autres caisses et, comme s’il n’y avait pas de chemises à Bruxelles, un trousseau complet pour elle et ses enfants[1]. — La dévotion étroite, l’humanité quand même, la frivolité du petit esprit littéraire, l’urbanité gracieuse, l’ignorance foncière[2]; la nullité ou la rigidité de l’intelligence et de la volonté sont encore plus grandes chez les princes que chez les nobles. — Contre l’émeute sauvage et grondante, tous sont impuissants. Ils n’ont pas l’ascendant physique qui la maîtrise, le charlatanisme grossier qui la charme, les tours de Scapin qui la dépistent, le front de taureau, les gestes de bateleur, le gosier de stentor, bref les ressources du tempérament énergique et de la ruse animale, seules capables de détourner la fureur de la bête déchaînée. Pour trouver de ces lutteurs, ils font chercher trois ou quatre hommes de race ou d’éducation différente, tous ayant roulé et pâti, un plébéien brutal comme l’abbé Maury, un satyre colossal et fangeux comme Mirabeau, un aventurier audacieux et prompt comme ce Dumouriez qui, à Cherbourg, lorsque la faiblesse du duc de Beuvron a livré les blés et lâché l’émeute, lui-même hué et sur le point d’être mis en pièces, aperçoit tout d’un coup les clés du magasin dans les mains d’un matelot hollandais, crie au peuple

  1. Mme Campan, II, 140, 313. — Duc de Choiseul, Mémoires.
  2. Journal de Dumont d’Urville, commandant du navire qui transportait Charles X en 1830. — Voir note 4 à la fin du volume.