divin que se réfugie le cœur attristé, affamé de mansuétude
et de tendresse. Là les persécuteurs, au moment
de frapper, tombent sous une atteinte invisible : les
bêtes sauvages deviennent dociles ; les cerfs de la forêt
viennent chaque matin s’atteler d’eux-mêmes à la
charrue des saints ; la campagne fleurit pour eux comme
un nouveau paradis ; ils ne meurent que quand ils
veulent. Cependant ils consolent les hommes ; la bonté,
la piété, le pardon coulent de leurs lèvres en suavités
ineffables ; les yeux levés au ciel, ils voient Dieu et,
sans effort, comme en un songe, ils montent dans la
lumière pour s’asseoir à sa droite. Légende divine, d’un
prix inestimable sous le règne universel de la force
brutale, quand, pour supporter la vie, il fallait en imaginer
une autre et rendre la seconde aussi visible aux
yeux de l’âme que la première l’était aux yeux du corps.
Pendant plus de douze siècles, le clergé en a nourri les
hommes et, par la grandeur de sa récompense, on peut
estimer la profondeur de leur gratitude. Ses papes ont
été pendant deux cents ans les dictateurs de l’Europe.
Il a fait des croisades, détrôné des rois, distribué des
États. Ses évêques et ses abbés sont devenus ici princes
souverains, là patrons et véritables fondateurs de
dynasties. Il a tenu dans ses mains le tiers des terres,
la moitié du revenu, les deux tiers du capital de l’Europe.
Ne croyons pas que l’homme soit reconnaissant à
d’œuvres littéraires modernes, l’état de l’âme croyante au moyen âge a été parfaitement peint par Henri Heine dans le Pélerinage à Kevlaar, et par Tourguenef dans les Reliques vivantes.