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Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/38

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L’ANCIEN RÉGIME


faux et donne sans motif valable ; il est trop égoïste et trop envieux pour cela. Quel que soit l’établissement, ecclésiastique ou séculier, quel que soit le clergé, bouddhiste ou chrétien, les contemporains qui l’observent pendant quarante générations ne sont pas de mauvais juges ; ils ne lui livrent leurs volontés et leurs biens qu’à proportion de ses services, et l’excès de leur dévouement peut mesurer l’immensité de son bienfait.

II

Jusqu’ici, contre la force des francisques et des glaives, on n’a trouvé de secours que dans la persuasion et dans la patience. Les États qui, d’après l’exemple de l’ancien Empire, ont tenté de s’élever en édifices compacts et d’opposer une digue à l’invasion incessante, n’ont pas tenu sur le sol mouvant ; après Charlemagne, tout s’effondre. Il n’y a plus d’hommes de guerre à partir de la bataille de Fontanet ; pendant un demi-siècle des bandes de quatre ou cinq cents brigands viennent impunément tuer, brûler, dévaster dans tout le pays. — Mais, par contre-coup, à ce moment même, la dissolution de l’État suscite une génération militaire. Chaque petit chef a planté solidement ses pieds dans le domaine qu’il occupe ou qu’il détient ; il ne l’a plus en prêt ou en usage, mais en propriété et en héritage. C’est sa manse, sa bourgade, sa comté, ce n’est plus celle du roi ; il va combattre pour la défendre. À cet instant, le bienfaiteur, le sauveur est l’homme qui sait