loin de ses terres, et sans qu’on sache rien de ses revenus
mobiliers, il peut ne verser que ce que bon lui
semble. Nulle recherche contre lui, s’il est noble ; « on
est infiniment circonspect envers les personnes d’un
rang distingué » ; en province, dit Turgot, « la capitation
des privilégiés s’est successivement réduite à un
objet excessivement modique, tandis que la capitation
des taillables est presque égale au principal des
tailles ». Enfin, « les percepteurs se croient obligés
d’observer des ménagements à leur égard », même
quand ils doivent ; « ce qui fait, dit Necker, qu’il subsiste
sur leur capitation et sur leurs vingtièmes des
restes très anciens et beaucoup trop considérables ».
Ainsi, n’ayant pu repousser de front l’assaut du fisc, ils
l’ont esquivé ou atténué jusqu’à le rendre presque inoffensif.
En Champagne, « sur près de 1 500 000 livres fournis
par la capitation, ils ne payent que 14 000 livres, »
c’est-à-dire « 2 sous et 2 deniers pour le même objet
qui coûte 12 sous par livre au taillable ». Selon Calonne,
« si l’on eût supprimé les concessions et privilèges,
les vingtièmes auraient rapporté le double ». À
cet égard, les plus opulents étaient les plus habiles à se
défendre. « Avec les intendants, disait le duc d’Orléans,
je m’arrange ; je paye à peu près ce que je veux », et
il calculait que les administrations provinciales, le taxant
à la rigueur, allaient lui faire perdre 500 000 livres de
rentes. On a vérifié que les princes du sang, pour leurs
deux vingtièmes, payaient 188 000 livres, au lieu de
2 400 000. — Au fond, dans ce régime, l’exemption d’im-
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