Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 1, 1909.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
L’ANCIEN RÉGIME


emprunte pour y fournir, et que les décimes qu’il lève sur ses biens ne suffisent pas pour amortir le capital et servir les intérêts de sa dette, il a eu l’adresse de se faire allouer en outre par le roi et sur le trésor du roi, chaque année, 2 500 000 livres, en sorte qu’au lieu de payer il reçoit ; en 1787, il touche ainsi 1 500 000 livres. — Quant aux nobles, ne pouvant se réunir, avoir des représentants, agir par voie publique, ils ont agi par voie privée, auprès des ministres, des intendants, des subdélégués, des fermiers généraux et de toutes les personnes revêtues d’autorité ; on a pour leur qualité des égards, des ménagements, des complaisances. D’abord cette qualité les exempte, eux, leurs gens et les gens de leurs gens, du tirage à la milice, du logement des gens de guerre, de la corvée pour les routes. Ensuite, la capitation étant fixée d’après la taille, ils payent peu, puisque leur taille est peu de chose. De plus, chacun d’eux a réclamé de tout son crédit contre sa cote : « Votre cœur sensible, écrit l’un d’eux à l’intendant, ne consentira jamais à ce qu’un père de mon état soit taxé à des vingtièmes stricts comme un père du commun[1] ». D’autre part, comme le contribuable paye la capitation au lieu de son domicile effectif, souvent fort

    du clergé dit de France (116 diocèses). Le clergé dit étranger était celui des Trois-Évêchés et des pays conquis depuis Louis XIV ; il avait un régime à part et payait à peu près comme les nobles. — Les décimes que le clergé de France levait sur ses biens faisaient une somme de 10 500 000 livres.

  1. Tocqueville, ib., 104, 581, 407. — Necker, ib., I, 102. — Boiteau, ib., 562. — Bouillé, ib., 26, 41, et suivantes. — Turgot, ib., passim. — Cf. t. II, livre v, ch. 2, sur les impôts du taillable.