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LE RÉGIME MODERNE


ou deux cents lieues de là, aux salines de l’intérieur ou des côtes, à la frontière extérieure. — Là seulement le système est en défaut, et son vice s’étale à nu : c’est la guerre aux échanges, la proscription du commerce international, la prohibition à outrance, le blocus continental, l’inquisition de 20 000 douaniers, l’hostilité de 100 000 fraudeurs, la destruction brutale des marchandises saisies, un renchérissement de 100 pour 100 sur les cotons et de 400 pour 100 sur les sucres, la disette des denrées coloniales, les privations du consommateur, la ruine du fabricant et du négociant, les faillites accumulées coup sur coup en 1811 dans toutes les grandes villes, depuis Hambourg jusqu’à Rome[1]. Mais ce vice tient à la politique militante et au caractère personnel du maître ; dans son régime fiscal, l’erreur qui corrompt la partie externe n’atteint pas la partie interne ; après lui, sous des règnes pacifiques, on l’atténuera par degrés ; de la prohibition, on passera à la protection, puis, de la protection excessive, à la protection limitée. Au dedans, avec des perfectionnements secondaires et avec des corrections partielles, on restera dans la voie tracée par le Consulat et l’Empire. C’est que, dans toutes ses grandes lignes, par la pluralité, l’assiette, la répartition,

  1. Thiers, XIII, 20 à 55. — Mes souvenirs sur Napoléon, 275, 276, par le comte Chaptal : « Il prétendait faire manœuvrer le commerce comme un bataillon… Je l’ai vu plusieurs fois donner des ordres pour qu’on n’exportât pas tel article dont il avait permis la sortie, parce qu’il venait de lire dans les papiers anglais qu’on voyait avec plaisir que l’Empereur laissait sortir cet objet. L’armateur se voyait alors forcé de refaire sa cargaison à grands frais. »