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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


rellement on rappelle avec eux dans la cité, et partant sur le territoire, les principaux fugitifs ou déportés qui ont été frappés par le même coup d’État, Carnot, Barthélemy, Laffon de Ladébat, Siméon, Boissy d’Anglas, Mathieu Dumas, en tout trente-neuf désignés nominativement[1]. Presque aussitôt, par une simple extension du même arrêté[2], on met en liberté d’autres proscrits de Fructidor, les plus malheureux et les plus inoffensifs de tous, quantité de prêtres qui languissent entassés dans l’île de Ré. — Deux mois après[3], une loi proclame que la liste des émigrés est définitivement close ; un arrêté prescrit l’examen accéléré de toutes les demandes en radiation ; un second arrêté efface de la liste les premiers fondateurs de l’ordre nouveau, les membres de l’Assemblée nationale « qui ont voté pour l’établissement de l’égalité et pour l’abolition de la noblesse » ; et jour par jour, de nouvelles radiations se succèdent, toutes individuelles et nominatives, sous couleur de tolérance, de grâce et d’exception[4] : le 19 octobre 1800, il y en a déjà douze cents. — À cette

  1. Arrêté du 26 décembre 1799. — Deux ultrajacobins, proscrits après Thermidor, Barère et Vadier, sont adjoints à la liste, sans doute en manière de compensation et pour que la balance n’ait pas l’air de pencher trop d’un seul côté.
  2. Arrêté du 30 décembre 1799.
  3. Arrêtés du 26 février, du 2 mars et du 3 mars 1800.
  4. Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, 199 (Paroles du Premier Consul à Regnaud, séance du Conseil d’État, 12 août 1801) : « J’aime bien à entendre crier contre les radiations. Mais vous-mêmes, combien n’en avez-vous pas sollicité ? Ce ne peut être autrement ; il n’y a personne qui n’ait sur les listes un parent ou un ami. »