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LE RÉGIME MODERNE


Et ces chiffres, qui déjà s’enflent d’eux-mêmes, vont encore être enflés de moitié par l’extension de l’ancien territoire. Au lieu de 86 départements avec 26 millions d’âmes, la France finit par en comprendre 130 avec 42 millions d’habitants, Belgique et Piémont, puis Hanovre, Toscane, Italie du centre, Illyrie, Hollande et Provinces Hanséatiques, c’est-à-dire 44 départements et 16 millions de sujets annexés. Sur cette nouvelle matière administrative, Napoléon applique son cadre français et ses fonctionnaires, qui pour la plupart, depuis Hambourg et Amsterdam jusqu’à Rome et Corfou, sont d’anciens Français[1] ; voilà, pour les ambitions petites et grandes, un large débouché de plus. — Ajoutez-en un autre de surplus et non moins large, hors de France : car les princes sujets et les rois vassaux, Eugène, Louis, Jérôme, Murat, Joseph, importent avec eux, chacun dans ses États, un personnel français plus ou moins nombreux, familiers, dignitaires de cour, généraux, ministres, administrateurs, commis même et subalternes indispensables, ne fût-ce que pour faire entrer les indigènes dans les compartiments militaires et civils du régime moderne, et leur enseigner sur place la conscription, l’administration, le code civil, la comptabilité, à l’instar de Paris. Même dans les États indépendants ou

    le nombre des employés et soldés par l’État s’élève à 1771 en 1806 ; cette augmentation est attribuée par le préfet aux causes qu’on vient de lire.

  1. Napoléon, Correspondance (Note du 11 avril 1811) : « Il y aura toujours, à Hambourg, Brême et Lubeck, 8000 à 10 000 Français, soit employés, soit gendarmerie, douanes et dépôts. »