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LE RÉGIME MODERNE


ou cinq cents communes, moyennes ou grandes, où pour chaque place municipale l’assemblée cantonale désigne deux candidats entre lesquels le gouvernement choisit. Voyons cette assemblée en fonctions et à l’œuvre.

Par précaution, son président lui est imposé ; nommé d’avance par le gouvernement et bien instruit de ce que le gouvernement souhaite, il a seul la police de la salle et la conduite de toute la délibération. À l’ouverture de la séance, il tire une liste de sa poche ; sur cette liste, fournie par le gouvernement, sont inscrits les noms des cent plus imposés du canton ; c’est parmi eux que l’assemblée est tenue de prendre ses candidats ; la liste est exposée sur le bureau, et les électeurs tour à tour s’approchent, épellent les noms, tâchent de lire. Le président serait bien maladroit et bien peu zélé s’il ne les aidait pas à lire, et s’il ne leur indiquait point, par un geste, un ton de voix ou même par une parole expresse, les noms agréables au gouvernement. Or ce gouvernement qui dispose de cinq cent mille baïonnettes n’aime pas la contradiction : les électeurs savent cela et y regardent à deux fois avant de le contredire ; très probablement, la plupart des noms suggérés par le gouvernement se trouveront sur leurs bulletins ; n’y en eût-il que la moitié, cela suffirait ; des deux candidats que pour chaque place ils présentent, s’il en est un agréable, c’est celui-ci qui sera nommé ; après l’avoir fait candidat, le gouvernement le fait titulaire. — Le premier acte de la comédie électorale est joué, et bientôt on ne prendra même plus la peine de le jouer. À partir de janvier 1806,