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LE RÉGIME MODERNE


sont en baisse ; la discipline se relâche, l’exactitude fléchit et, selon un mot qui se propage, la grande bâtisse administrative n’est plus une maison bien tenue, mais une baraque. — Naturellement, sous le régime démocratique, le service et l’entretien de cette maison deviennent de plus en plus dispendieux ; car, par l’effet des centimes additionnels, c’est la minorité aisée ou riche qui paye la plus grosse part des frais ; par l’effet du suffrage universel, c’est la majorité pauvre ou demi-pauvre qui a la part prépondérante dans le vote, et le grand nombre qui vote peut impunément surcharger le petit nombre qui paye. À Paris, le Parlement et le gouvernement, élus par cette majorité numérique, lui inventent des besoins, la poussent aux dépenses, prodiguent les travaux publics, les écoles, les fondations, les gratuités, les bourses, multiplient les places pour multiplier leurs clients, et ne se lassent pas de décréter, au nom des principes, des œuvres d’apparat, théâtrales, ruineuses et dangereuses, dont ils ne veulent pas savoir le coût et dont la portée sociale leur échappe. En haut comme en bas, la démocratie a la vue courte ; sur la pâture qui s’offre, elle se jette, comme l’animal, bouche ouverte et tête baissée ; elle refuse de prévoir et de compter ; elle obère l’avenir, elle gaspille toutes les fortunes qu’elle entreprend de gérer, non seulement celle de l’État central, mais encore celles des sociétés locales. Jusqu’à l’avènement du suffrage universel, les administrateurs nommés d’en haut ou élus d’en bas, au département et à la commune,