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OBJET ET MÉRITES DU SYSTÈME


faut davantage, s’il est fervent, imbu du vieil esprit chrétien, ascétique et mystique, qui retire l’âme du monde pour la tenir incessamment en présence de Dieu. À cet effet, plusieurs choses sont requises : d’abord, les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, c’est-à-dire la répression perpétuelle et volontaire du plus fort instinct animal et des plus forts appétits temporels ; ensuite, la prière assidue, surtout la prière en commun, où l’émotion de l’âme prosternée croît par l’émotion des âmes environnantes ; au même degré, la piété active, je veux dire l’accomplissement des bonnes œuvres, éducation et charité, en particulier l’accomplissement des besognes rebutantes, service des malades, des infirmes, des incurables, des idiots, des fous, des filles repenties ; enfin, la règle, sorte de consigne rigoureuse et minutieuse, qui, prescrivant et ramenant chaque jour les mêmes actes aux mêmes heures, donne l’habitude pour auxiliaire à la volonté, ajoute l’entraînement machinal à l’initiative réfléchie, et finit par introduire la facilité dans l’effort. De là les communautés d’hommes ou de femmes, les congrégations, les couvents : eux aussi, comme les sacrements, comme le sacerdoce et la hiérarchie, ils font corps avec la croyance et sont les organes inséparables de la foi.

Avant 1789, le catholique ignorant ou inattentif, le paysan à sa charrue, l’artisan à son établi, la bonne femme à son ménage, n’avaient pas conscience de cette suture intime ; grâce à la Révolution, ils en ont acquis le sentiment et même la sensation physique. Jamais ils