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L’ÉGLISE


laires contre l’arbitraire des ministres et du roi. Tous ces pouvoirs, qui jadis faisaient contrepoids au pouvoir épiscopal ont disparu. Confinés dans leur office judiciaire, les tribunaux ont cessé d’être des autorités politiques et des modérateurs du gouvernement central : dans la ville et le département, le maire et les conseillers généraux, nommés ou élus pour un temps, n’ont qu’un crédit temporaire ; le préfet, le commandant militaire, le recteur, le trésorier général ne sont que des étrangers de passage. Depuis un siècle, la circonscription locale est un cadre extérieur où vivent ensemble des individus juxtaposés, mais non associés ; il n’y a plus entre eux de lien intime, durable et fort ; de l’ancienne province, il ne reste qu’une population d’habitants, simples particuliers sous des fonctionnaires instables. Seul l’évêque s’est maintenu intact et debout, dignitaire à vie, conducteur en titre et en fait de beaucoup d’hommes, entrepreneur sédentaire et persévérant d’un grand service, général unique et commandant incontesté d’une milice spéciale qui, par conscience et profession, se serre autour de lui, et, chaque matin, attend de lui le mot d’ordre. C’est que, par son essence, il est un gouverneur d’âmes ; la Révolution et la centralisation n’ont point entamé sa prérogative ecclésiastique ; grâce à cette qualité indélébile, il a pu supporter la suppression des autres ; ces autres lui sont revenues d’elles-mêmes et par surcroît, y compris la primauté locale, l’importance effective et l’ascendant social, y compris les appellations honorifiques qui, sous l’ancien