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LE RÉGIME MODERNE


étaient trop soignées, trop molles. Conduire en personne et sur place une machine provinciale, compliquée, rouillée, qui grinçait et crachait, s’assujettir à elle, pousser et ménager vingt rouages locaux, subir des heurts et des éclaboussures, devenir un homme d’affaires, c’est-à-dire un homme de peine : rien de moins attrayant pour un grand seigneur d’alors ; dans l’Église comme dans l’État, il jouissait de sa dignité ; il en percevait les fruits, c’est-à-dire l’argent, les honneurs, les agréments, et, parmi ces agréments, le principal était le loisir ; par suite, il abandonnait la besogne positive, le maniement quotidien des hommes et des choses, la direction pratique, le gouvernement effectif à ses intendants ecclésiastiques ou laïques, à des subordonnés qu’il ne surveillait guère et qui, chez lui, sur son domaine, le remplaçaient à poste fixe. Dans son diocèse, l’évêque laissait l’administration aux mains de ses chanoines et grands-vicaires ; « son official jugeait sans qu’il s’en mêlât[1] ». La machine allait ainsi toute seule et d’elle-même, sans trop de chocs, dans l’ancienne, voie frayée par la routine ; il ne concourait à son jeu que par son influence à Paris et à Versailles, par des recommandations auprès des ministres ; en fait, il n’était que le représentant lointain et mondain, à la cour et dans les salons, de sa principauté ecclésiastique[2]. Quand, de temps en temps, il y faisait son apparition, les cloches

  1. L’abbé Richaudeau, De l’ancienne et de la nouvelle discipline, de l’Église en France, 281. — Cf. l’abbé Élie Méric, le Clergé, etc., chap, II (Sur la justice et les juges d’église).
  2. Mercier, Tableau de Paris, IV, 345. « Les ouailles ne