Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 11, 1904.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
117
L’ÉGLISE


même distrait, y deviennent, forcément des habitants fixes, par suite des puissances occultes, agissantes et liguées, qui font cercle autour de l’intelligence, qui investissent la volonté, qui, dans les régions souterraines de l’âme, étendent ou affermissent par degrés leur occupation silencieuse, qui opèrent insensiblement dans l’homme sans qu’il s’en doute, et qui, aux moments critiques, se lèvent en lui, à l’improviste, pour le raidir contre les défaillances ou pour l’arracher aux tentations. À cet usage antique, ajoutez deux institutions modernes qui contribuent au même effet. — La première est la conférence mensuelle qui assemble chez le curé doyen de canton les curés desservants : sur des thèmes fournis par l’évêché, sur des questions de dogme, de morale ou d’histoire religieuse, chacun d’eux a préparé une étude, il la lit tout haut, il en raisonne avec ses confrères, sous la présidence et la direction du doyen, qui conclut ; cela rafraîchit dans le lecteur et dans les auditeurs le savoir théorique et l’érudition ecclésiastique. — L’autre institution, presque universelle aujourd’hui, est la retraite annuelle que les prêtres du diocèse viennent faire au grand séminaire du chef-lieu. Saint Ignace en a tracé le plan : ses Exercitia sont encore aujourd’hui le manuel adopté, le texte suivi à la lettre[1] ou de très près[2]. Il

  1. Chez les frères des Écoles chrétiennes, et leur société est la plus nombreuse de toutes.
  2. Manrèze du prêtre, par le R. P. Caussette. I, 9. La Manrèze est la grotte où saint Ignace trouva le plan de ses Exercitia et les trois voies par lesquelles l’homme parvient à se détacher du monde, « la purgative, l’illuminative et l’unitive ». L’auteur dit