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L’ÉGLISE


Italie pendant la Renaissance, en Angleterre sous la Restauration, en France sous la Convention et le Directoire, on a vu l’homme se faire païen, comme au Ier siècle ; du même coup, il se retrouvait tel qu’au temps d’Auguste et Tibère, c’est-à-dire voluptueux et dur : il abusait des autres et de lui-même ; l’égoïsme brutal ou calculateur avait repris l’ascendant ; la cruauté et la sensualité s’étalaient, la société devenait un coupe-gorge et un mauvais lieu. — Quand on s’est donné ce spectacle, et de près, on peut évaluer l’apport du christianisme dans nos sociétés modernes, ce qu’il y introduit de pudeur, de douceur et d’humanité, ce qu’il y maintient d’honnêteté, de bonne foi et de justice. Ni la raison philosophique, ni la culture artistique et littéraire, ni même l’honneur féodal, militaire et chevaleresque, aucun code, aucune administration, aucun gouvernement ne suffit à le suppléer dans ce service. Il n’y a que lui pour nous retenir sur notre pente natale, pour enrayer le glissement insensible par lequel incessamment et de tout son poids originel notre race rétrograde vers ses bas-fonds ; et le vieil Évangile, quelle que soit son enveloppe présente, est encore aujourd’hui le meilleur, auxiliaire de l’instinct social.

Parmi ses trois formes contemporaines, celle qui groupe le plus d’hommes, environ 180 millions de fidèles, est le catholicisme, en d’autres termes le christianisme romain, et ces deux mots, qui sont une définition, résument une histoire. À l’origine, quand naquit l’idée chrétienne, elle s’exprima d’abord en hébreu,