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L’ÉCOLE


ment en apparence, comme aujourd’hui, par crainte et de force, mais en fait et à fond, par habitude invétérée, par adaptation préalable de l’imagination et du cœur. Sinon, « il n’y aura point d’état fixe politique[1] » en France : « Tant qu’on n’apprendra point dès l’enfance s’il faut être républicain ou monarchique, catholique ou irréligieux, l’État ne formera pas une nation ; il reposera sur des bases incertaines et vagues, il sera constamment exposé aux désordres et aux changements. » — En conséquence, il s’attribue le monopole de l’instruction publique, il aura seul le droit de la débiter, comme le sel et le tabac : « L’enseignement public[2], dans tout l’Empire, est confié exclusivement à l’Université. Aucune école, aucun établissement quelconque d’instruction » supérieure, secondaire, primaire, spéciale, générale, collatérale, laïque, ecclésiastique, « ne peut être formé hors de l’Université impériale et sans l’autorisation de son chef. »

Dans cet enclos et sous cette direction roulent et fonctionnent toutes les manufactures de la denrée scolaire, et il y en a de deux sortes. Les unes, au plus

    individus qui doivent vivre dans la même société, ne faire en quelque sorte qu’un seul corps, n’avoir qu’un même esprit et concourir au bien public par l’unanimité des sentiments et des efforts ? »

  1. Pelet de la Lozère, 154.
  2. A. de Beauchamp, Recueil, etc. (Décret du 7 mars 1808). — Sont soumises à l’autorisation préalable et à la rétribution universitaire les écoles spéciales et collatérales qui enseignent des matières non enseignées dans les lycées, par exemple les langues vivantes, qui se bornent à combler une lacune, et qui ne font point concurrence aux lycées. (Arrêts de la cour de Lyon, 14 février 1832.)