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L’ÉCOLE


trop militaire, l’éducation n’y est pas assez paternelle, les proviseurs et professeurs ne sont que des fonctionnaires indifférents, plus ou moins égoïstes et mondains ; pour surveillants et maîtres d’étude on n’y trouve que d’anciens sous-officiers, rudes et mal embouchés ; les boursiers fournis par l’État y apportent « les habitudes toutes faites d’une mauvaise éducation » ou l’ignorance d’une éducation presque nulle[1], en sorte que,

    pour lui faire inspecter les lycées, et rapport de Fourcroy après quatre mois d’inspection). « En général, le tambour, l’exercice et la discipline militaire empêchent les parents, dans le plus grand nombre des villes, de mettre leurs enfants au lycée… On profite de cette mesure pour persuader aux parents que l’Empereur ne veut faire que des soldats. » — Ib. (Note de M. de Champagny, ministre de l’intérieur, écrite quelques mois plus tard), « Une forte moitié des chefs (de lycée) ou professeurs est, au point de vue moral, dans la plus complète indifférence. Un quart, par leurs discours, leur conduite, leur réputation, déploie le caractère le plus dangereux aux yeux de la jeunesse… Ce qui manque le plus aux chefs, c’est l’esprit religieux, le zèle religieux… Deux ou trois lycées à peine offrent ce spectacle. De là cet éloignement des parents, qu’on attribue à des préjugés politiques ; de là la rareté des élèves payants ; de là le discrédit des lycées. L’opinion est unanime à cet égard. »

  1. Histoire du collège Louis-le-Grand, par Esmond, censeur émérite, 1845, I, 267 : « Qu’étaient les maîtres d’étude ? Des officiers subalternes en retraite, qui conservaient la rudesse des camps et ne connaissaient de vertu que l’obéissance passive… L’âge pour la nomination aux bourses n’étant pas déterminé, le choix de l’Empereur tombait souvent sur des sujets de quinze à seize ans, qui se présentaient avec les habitudes toutes faites d’une mauvaise éducation et une si grande ignorance, qu’on était obligé de les envoyer dans les basses classes avec les enfants. » — Fabry, Mémoires pour servir à l’histoire de l’instruction publique depuis 1789, I, 391 : « Le premier noyau des pensionnaires (boursiers) fut fourni par le Prytanée. Une corruption profonde à laquelle le régime militaire donne une apparence de régularité, une impiété froide qui se soumet aux pratiques