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LE RÉGIME MODERNE


trizzi[1] d’y envoyer ses deux fils, l’un de dix-sept ans ; l’autre de treize ans ; pour être bien sûr de les avoir, il les fait prendre à domicile et amener par des gendarmes. Avec eux, on compte à la Flèche 90 autres Italiens de grande famille, des Doria, des Pallavicini, des Alfieri, 120 jeunes gens des provinces illyriennes, d’autres encore fournis par les pays de la Confédération du Rhin, en tout 360 pensionnaires à 800 francs par an. Parfois les parents ont pu accompagner ou suivre leurs enfants, s’établir à leur portée ; cela n’a pas été permis au prince Patrizzi ; il a été arrêté en route, retenu à Marseille, et on l’y détient. — De cette façon, par la combinaison savante des prescriptions législatives et de l’arbitraire nominatif, Napoléon, directement ou indirectement, devient en fait le seul maître enseignant de tous les Français, anciens ou nouveaux, l’unique et universel éducateur dans son empire.

III

Pour cette besogne, il lui faut un bon instrument, une grande machine humaine qui, construite, articulée et montée par lui, travaille désormais seule et d’elle-même, sans écarts ni accrocs, conformément à ses instructions et toujours sous ses yeux, mais sans qu’il ait besoin d’y porter la main et d’intervenir personnellement dans son

  1. Journal d’un détenu de 1807 à 1814 (1 vol., 1828, en anglais), 167. (Récit de Charles Choderlos de Laclos, qui était alors à la Flèche.)