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L’ÉCOLE


« idées » ; ses exécutants « n’exécutaient jamais bien ses intentions ». Il grondait, et ils « se courbaient sous l’orage, mais ils n’en continuaient pas moins leur train accoutumé ». Fourcroy se souvenait trop de la Révolution, et Fontanes de l’ancien régime ; le premier était trop homme de science, et le second trop homme de lettres ; en cette qualité, ils tenaient trop à la culture de l’esprit, et trop peu à la discipline du cœur. Dans l’éducation, la littérature et la science sont choses « secondaires » ; l’essentiel est le dressage, un dressage précoce, méthodique, prolongé, irrésistible, qui, par la convergence de tous les moyens, leçons, exemples et pratiques, inculque « les principes » et imprime à demeure dans les jeunes âmes « la doctrine nationale », sorte de catéchisme social et politique, dont le premier article commande la docilité fanatique, le dévouement passionné, et la totale donation de soi-même à l’empereur[1].

  1. Mémorial, 17 juin 1816. Cette conception de l’Université par Napoléon fait corps avec une autre, plus vaste, qu’il expose dans le même entretien et qui montre nettement son plan d’ensemble. Il voulait « le classement, militaire de la nation », c’est-à-dire cinq conscriptions successives et superposées : la première, celle des enfants et adolescents au moyen de l’Université ; la seconde, celle des conscrits ordinaires, annuelle et opérée par le tirage au sort ; la troisième, la quatrième et la cinquième fournies par les trois bans de la garde nationale, le premier ban comprenant les jeunes gens célibataires et tenus d’aller jusqu’à la frontière, le deuxième ban comprenant les hommes d’âge mitoyen, mariés et ne devant servir que dans le département, le dernier ban comprenant les hommes âgés et ne devant être employés qu’à la défense des villes : en tout, par ces trois bans, deux millions d’hommes classés, encadrés, armés, chacun d’eux ayant son poste assigné