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LE RÉGIME MODERNE


nouveau régime comme sous l’ancien, une enfilade de mots abstraits, que le professeur croit expliquer et que l’élève croit comprendre, mène les jeunes esprits à travers un labyrinthe de hautes idées spéculatives, qui sont hors de leur portée, bien au delà de leur expérience, de leur éducation et de leur âge : parce qu’ils manient des mots, ils s’imaginent qu’ils possèdent les idées, ce qui leur ôte l’envie de les acquérir. Par suite, dans le grand établissement français, les jeunes gens ne remarquent point le manque d’universités véritables ; la curiosité libre et large ne s’éveille point en eux ; ils ne regrettent point de ne pouvoir parcourir le cycle de recherches variées et d’investigations critiques, la longue et pénible route qui seule conduit sûrement aux conceptions d’ensemble et de fond, aux grandes idées vérifiables et solidement fondées. — Et, d’autre part, cette préparation expéditive et sommaire suffit aux besoins positifs et sentis de la société nouvelle. Il s’agit de combler les vides que la Révolution y a faits, de lui fournir le contingent indispensable qu’elle réclame, sa recrue annuelle de jeunes gens cultivés. Or, par ce nom, après comme avant la République, on entend ceux

    fesseur très estimé. — « Tout se bornait à des discussions inintelligibles sur la métaphysique et à des subtilités puériles sur la logique. » — Cela durait deux ans ; il y avait des thèses publiques de trois ou quatre heures, soutenues par les élèves ; l’évêque, la noblesse, tout le chapitre assistaient à ces combats de coqs scolastiques. Chaptal y prit quelques notions exactes de géométrie, d’algèbre et sur le système du monde ; mais, hors cela, dit-il, je n’en retirai, rien, sauf une grande facilité pour parler latin et une passion pour l’ergoterie. »